INFO & ACTUALITÉ.
Europe du nord : La suède mobilise sur fond de menace russe en Ukraine
Crise en Ukraine : la Suède se mobilise, elle aussi, face à la menace russe
La crise en Ukraine inquiète Stockholm. En cas de conflit Europe-Russie, le contrôle de l’île suédoise de Gotland représenterait un enjeu géostratégique majeur pour le Kremlin.
Branle-bas de combat en Europe du Nord ! Le niveau d’alerte est subitement monté d’un cran en Suède la semaine dernière, lorsque la présence navale russe en mer Baltique est soudain passée de trois à six bâtiments de guerre – des navires de débarquement avec hommes et blindés. Et cela, au moment même où Moscou menait des pourparlers avec les Etats-Unis et avec l’Otan, à Genève et à Bruxelles. Simultanément, plusieurs drones de grande envergure étaient détectés au-dessus des trois centrales nucléaires du pays mais aussi au-dessus de Stockholm et de la résidence royale, en banlieue.
Les survols ont eu lieu trois soirs d’affilée par ciel nuageux. La nationalité des aéronefs est inconnue mais les Scandinaves ont leur petite idée… Enfin, au même moment, des milliers d’adolescents recevaient des stories TikTok sur leurs téléphones qui évoquaient le scénario d’une invasion russe imminente. Mouvements armés, intimidations, rumeurs : trois éléments d’une guerre hybride et psychologique réunis au même moment et dans le même pays, membre de l’Union européenne.
Mardi 19 janvier, le chef d’état-major des armées Micael Bydén est intervenu à la télévision pour rassurer la population, surprise par l’augmentation de la présence militaire dans les rues et afin d’expliquer pourquoi l’île suédoise de Gotland, stratégiquement située, était soudain sur le pied de guerre, avec l’envoi sur place de renfort en matériel et en hommes.
« Les choses bougent très vite en ce moment en Suède et, aussi, en Finlande », explique Niklas Granholm, fin connaisseur des questions de sécurité en Europe du Nord, qui explique pourquoi l’évolution de la situation en Ukraine concerne également cette région. Si un conflit se produit dans ce pays, les répercussions concerneront l’Europe, à commencer par les pays du pourtour baltique », souligne cet expert de FOI, l’Institut de recherche suédois sur la défense. De fait, la frontière ukrainienne n’est qu’à 400 kilomètres de la Baltique. De plus, c’est près de Saint-Pétersbourg que se trouve la frontière entre la Russie et l’Union européenne.
« Il faut nous interroger sur le sort des républiques baltiques »
« Si la Russie a bien des intentions belliqueuses en Ukraine, il nous faut alors nous interroger sur le sort des républiques baltes, sachant que Poutine considère le démantèlement de l’URSS comme « la plus grande catastrophe du XXe siècle » », observe le général suédois à la retraite Karlis Neretnieks.
Dans le scénario d’une occupation de l’Estonie, de la Lettonie ou de la Lituanie, le contrôle de Gotland devient un enjeu crucial. « Car celui qui contrôle l’île peut en effet interdire l’espace aérien au-dessus de tout l’espace baltique avec une seule batterie de missiles », explique, à Stockholm, l’expert Tomas Ries, de l’Ecole de guerre Försvarhögskolan. Il est donc impératif d’empêcher la Russie de s’emparer de cette île par un débarquement éclair. »
Curieusement, les Suédois ont l’Ukraine constamment à l’esprit – et pas seulement parce que la principauté de Kiev fut fondée au IXe siècle par des Vikings, ni parce que le roi Carl XII y fut défait en 1709 par l’armée de Pierre le Grand lors de la bataille décisive de Poltava, qui fit perdre à la Suède son statut de puissance européenne. Plus proche de nous, c’est l’annexion de la Crimée par la Russie en 2014 qui a décidé la Suède à fortifier son arsenal militaire, presque entièrement démantelé après la chute de l’URSS. Après un premier renforcement de son budget en 2015, Stockholm a décidé en 2020 une nouvelle et spectaculaire augmentation de 50% sur cinq ans. D’ici à 2025, son budget de la défense équivaudra à 1,6% du PIB.
« Contrairement aux Suédois, les Finlandais n’ont pas commis l’imprudence de démobiliser leur armée dans les années 1990, reprend l’expert Tomas Ries. Et pour cause! Ils connaissent leurs voisins mieux que quiconque. Après avoir été sous domination suédoise, ils ont vécu sous le joug russe de 1809 à 1917. Ils ont aussi combattu héroïquement les Soviétiques deux fois: pendant la guerre d’hiver (1939-1940) et pendant la guerre de continuation (1941-1944). Enfin, ils ont « cohabité » avec l’URSS pendant toute la Guerre froide, suivant la doctrine qui mettait l’accent sur la nécessité de maintenir des relations de confiance avec l’Union soviétique. »
Le 1er janvier dernier, lors son discours de Nouvel An, le président finlandais Sauli Niinistö a, le premier, rejeté avec force l’ultimatum « inacceptable » de Vladimir Poutine qui, parmi d’autres revendications, exige que ni la Finlande ni la Suède ne rejoignent l’Otan à l’avenir. La Première ministre suédoise Magdalena Andersson a également balayé cette demande.
« En sommeil depuis un moment, le débat sur notre adhésion à l’Otan [NDLR : à laquelle s’opposent les sociaux-démocrates et les écologistes] est maintenant relancé, dit le général suédois Karlis Neretnieks. » Et lui de suggérer: « A force de se montrer menaçante, Moscou va finir par pousser la Suède dans l’Otan… » En attendant, la flottille russe a quitté la Baltique. Et la Suède continue de renforcer sa défense.
Source : Lexpress.fr – Axel Gyldén / Photo : Liberation.fr (c) AFP
« Des militaires suédois débarquent dans le port de Visby, sur l’île de Gotland le 14 septembre 2016 »
~ FNCV, la revue de presse ~
* * *
0 commentaires