Musée-mémorial : Emmanuel Macron, pour un Musée national du terrorisme…
Poussé par l’Elysée, le projet d’un « musée-mémorial des sociétés face au terrorisme » prend forme.
La phase opérationnelle et administrative s’ouvre cette semaine
« Le président de la République n’a pas vocation à commenter mais à agir », a déclaré Emmanuel Macron lundi, sortant du silence quatre jours après l’attaque terroriste de la rue Nicolas-Appert, dans le XIe arrondissement de Paris. « Vous savez, il ne faut pas juger l’engagement d’un Président à hauteur de tweet. » Une lettre de mission signée du chef de l’Etat en juin dernier confie à Henry Rousso, éminent historien du souvenir des grands traumatismes collectifs, la préfiguration d’un musée du terrorisme. Un projet annoncé en septembre 2018 et qui suit son cours discrètement.
La brise hivernale fait grelotter trois ministres assis au premier rang. Edouard Philippe est encore le premier d’entre eux. Nicolas Sarkozy et François Hollande, menton enfoui dans leur écharpe noire, semblent des sosies. Ce 11 mars 2020, au Trocadéro, Emmanuel Macron s’exprime à l’occasion de la première Journée nationale d’hommage aux victimes du terrorisme, en présence du roi et de la reine d’Espagne. Songeant à la postérité, il aborde un projet déjà évoqué mais très peu connu : la création d’un Musée du terrorisme en France. Ce grand chantier « sera mené à son terme pour se rappeler, pour se recueillir, pour faire histoire », répète le chef de l’Etat.
Un moyen d’honorer durablement les victimes du terrorisme, en un lieu unique, et de retracer cinquante ans d’attentats. De dire que la société est résiliente, aussi. Ce futur musée, Emmanuel Macron l’imagine « unique au monde », avec pour ambition de « lutter contre les ferments de haine » et d’« opposer la lumière vitale de la mémoire et de la connaissance à la barbarie et à la force mortifère de l’oubli ». « Un lieu complet, inspiré du Mémorial de Caen et du Mémorial de la Shoah, avec un centre de recherche et d’historiographie », détaille un acteur du dossier pour mieux distinguer le projet français d’autres mémoriaux de la planète (Oslo, New York, Victoria ou Oklahoma City), consacrés à un seul événement.
L’épidémie de coronavirus a ralenti le chantier. Mais en juin, le chef de l’Etat a lui-même signé une seconde lettre de mission confiée à Henry Rousso, grand historien de la mémoire et père de la notion de négationnisme. Après une première mission préparatoire et un rapport remis en mars au Premier ministre, l’auteur de Face au Passé. Essais sur la mémoire contemporaine (2016, Belin) se penche aujourd’hui sur le contenu scientifique du musée, en tandem avec l’ex-déléguée interministérielle à l’aide aux victimes, Elisabeth Pelsez. Avec une équipe où collaborent historien, anthropologue, sociologue, artiste plasticienne et architecte, il orchestre une collecte d’objets et de documents auprès des associations. De quoi donner au futur site une « grande valeur émotionnelle et patrimoniale ».
« Résistance par l’intelligence ».
« Il s’agit de prendre à bras-le-corps un phénomène qui s’enracine dans la durée, projette Henry Rousso. Le terrorisme islamiste est le plus récent et le plus meurtrier, mais le phénomène est pluriel, ancien. Ce musée ne doit pas être qu’un musée d’histoire : c’est un lieu de compréhension, de mémoire collective d’un processus toujours en cours. Et donc une forme de résistance par l’intelligence, l’universalisme et la culture au terrorisme qui veut nous empêcher de penser par la sidération et par la peur. » Depuis le lancement du projet en 2018, la France a vécu les attentats islamistes de Trèbes, du marché de Noël de Strasbourg, de la préfecture de police de Paris… Peu après que le gouvernement Castex remet l’ouvrage sur le métier, mi-septembre, une nouvelle attaque terroriste survient dans le XIe arrondissement à Paris.
L’Elysée presse Matignon d’avancer. Une réunion entre les équipes des ministres de la Justice, des Armées et de la Culture doit avoir lieu ces prochains jours pour créer un groupement d’intérêt public et le doter de moyens. « Tous les clignotants sont au vert », assure une source exécutive.
Paris ou Nice. Mais la naissance d’un nouveau grand musée devra franchir des obstacles. L’agenda du garde des Sceaux, d’abord. Car si le projet est d’envergure interministérielle, à la croisée des questions régaliennes, éducatives, culturelles, géopolitiques et universitaires, c’est la Justice qui reste le ministère chef de file pour ce qui touche aux victimes du terrorisme. « Dupond-Moretti n’a pas encore mis son nez dedans », glisse un connaisseur du dossier, alors que le garde des Sceaux mène ses batailles pour redresser la justice.
« Où ? » est l’autre grande question, non tranchée.
Certaines associations souhaiteraient voir le futur Musée du terrorisme installé à Nice, lieu de l’attentat du 14 juillet 2016. Mais la capitale a la préférence des concepteurs. « Ce sera un grand musée qui aborde un morceau d’histoire de France, dont l’enjeu est national », souligne Henry Rousso. Reste à voir comment réagira la ville de Paris, encore peu impliquée, lorsqu’un foncier de plus de 3 000 m2 sera mobilisé. « Hidalgo devrait se réveiller quand elle verra que l’Etat bouge sur le dossier », anticipe un connaisseur.
Qui dit grand projet, dit financements. Plusieurs ministères devraient contribuer, à hauteur de 30 à 50 millions d’euros d’investissement. Mais cet argent devra être pérennisé avec des partenariats, l’ultime obstacle étant la brièveté du mandat présidentiel. « L’alternance menace les grands travaux et les musées de société sont très difficiles à créer en France », relève un familier du dossier. Nicolas Sarkozy avait fait bourgeonner un controversé musée de l’histoire de France, bazardé par François Hollande en 2012. Et si le Président socialiste a étrenné le Musée national de l’histoire de l’immigration, au Palais de la Porte-Dorée, c’était plus de dix ans après son lancement par Jacques Chirac. En 2022, les responsables du projet espèrent ouvrir les concours d’architecte. Le musée-mémorial devrait être réalisé sous le prochain quinquennat.
Source : lopinion.fr - Ivanne Trippenbach / Image : AFP
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Pour que les victimes ne se sentent pas oubliées… Pour que les générations futures se souviennent…
Pour que cette « peste verte » soit combattue et vaincue où qu’elle se cache, comme les précédentes !
Merci à nos soldats et tout ceux qui ouvrent en ce sens.