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Task Force TAKUBA : Capacité opérationnelle de l’unité de forces spéciales européenne au Sahel
Les forces spéciales un impact stratégique contre les terroristes !
Annoncé en novembre 2019 par Florence Parly, la ministre des Armées, puis officiellement lancé en mars dernier, avec le soutien de dix pays [Allemagne, Belgique, Danemark, Estonie, France, Mali, Niger, Norvège, Pays-Bas, Portugal, République tchèque, Royaume-Uni et Suède], le groupement européen de forces spéciales « Takuba » [ou « Task Force Takuba »] est désormais en mesure d’entrer dans le vif du sujet.
En effet, la capacité opérationnelle initiale [IOC] de cette unité a été prononcée le 15 juillet, à Gao [Mali], ce qui signifie qu’elle dispose de effectifs et des équipements minimums pour mener à bien sa tâche. Pour le moment, elle se compose d’une soixantaine d’opérateurs des forces spéciales françaises et estoniennes.
Pour rappel, la mission du groupement européen Takuba sera de conseiller, d’assister et d’accompagner les forces armées locales [maliennes pour commencer] au combat contre les groupes armés terroristes [GAT] qui sévissent au Sahel, et plus particulièrement dans la zone dite des trois frontières, car située aux confins du Mali, du Niger et du Burkina Faso.
Les premières formations des FAMa à bénéficier d’un tel accompagnement seront les ULRI [Unité légère de reconnaissance et d’intervention], récemment formées sous l’égide des légionnaires du 2e Régiment Étranger d’Infanterie [REI], qui ont armé le Groupement tactique « Dragon ». C’est en effet ce qu’a déclaré le général Pascal Facon, le commandant de la force Barkhane, lors d’une audition parlementaire.
Venu à Gao pour y inaugurer les nouveaux locaux destinés au groupement européen, le général Facon a rappelé que Takuba a pour objectif de faire « monter en gamme une unité malienne, les entrainer pour s’engager dans le Liptako » car c’est un « un endroit qui nécessite des soldats d’élite. »
« Les activités des forces spéciales ont un impact stratégique, car le terrorisme ne connaît pas de frontières. Les opérations spéciales doivent être menées là où elles ont le plus d’effet sur les terroristes », a commenté le lieutenant-colonel Kuul, qui commande les commandos estoniens engagés dans cette mission, lesquels, ont reçu « la meilleure formation possible pour exécuter des tâches importantes et complexes. »
« L’esprit de la mission de Takuba s’intègre parfaitement dans celui de Barkhane qui reste d’opérationnaliser les forces armées partenaires afin qu’elles reprennent, à plus long terme, la lutte contre les résidus des GAT à leur compte et de manière quasiment autonome », résume l’État-major des armées [EMA].
D’ailleurs, précise encore ce dernier, Takuba sera, « à terme, un groupement tactique désert de Barkhane presque comme les quatre autres, c’est-à-dire intégré dans la structure de commandement de Barkhane mais doté de capacités et savoir-faire particuliers. »
Le groupement européen de forces spéciales va s’étoffer dans les semaines à venir, avec des effectifs français supplémentaires ainsi qu’avec l’intégration d’une soixantaine de commandos tchèques en octobre, puis celle de 150 Suédois en janvier.
En outre, l’Italie a également fait part de son intérêt pour cette mission… Mieux encore : elle envisage une participation conséquente, avec l’envoi de 200 membres de ses forces spéciales et 8 hélicoptères, dont 4 NH-90 et 4 AH-129D Mangusta [ces derrniers étant dédiés aux missions de reconnaissance et d’attaque, ndlr]. « Une unité spécifique sera probablement formée pour ce théâtre opérationnel, comme ce fut le cas avec la Force opérationnelle 45 en Afghanistan », estime le site Difesa Online.
Cet engagement viendra ainsi compléter ceux déjà consentis par l’Italie, qui contribue déjà à la Mission des Nations unies au Mali [MINUSMA], à l’EUTM Mali, à EUCAP Sahel Mali et à EUCAP Sahel Niger.
Quoi qu’il en soit, « la déclaration officielle de cette IOC constitue un jalon important pour Barkhane et offre de nouvelles perspectives dans l’optique de poursuite de l’effort cinétique contre les GAT et de l’accompagnement des forces partenaires », conclut l’EMA.
Source : ZoneMilitaire.fr / Laurent Lagneau / Photo : État-major des armées
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Le commandant de la cyberdéfense [COMCYBER], le général Didier Tisseyre, a récemment expliqué aux députés comment les forces françaises menèrent la lutte contre la propagande de l’État islamique [EI ou Daesh] dans le cyberespace, quand cette organisation occupait encore des territoires en Syrie et en Irak.
« Nous avons notamment ciblé tout leur appareil de propagande, identifié où étaient localisés les serveurs, pénétré ces serveurs, effacé les données, et bloqué ces serveurs pour que la propagande ne puisse plus être diffusée », a détaillé le général Tisseyre. Et cela, dans le cadre d’une « approche plus globale d’identification des contenus terroristes avec le relais de la plateforme Pharos [Plateforme d’harmonisation, d’analyse, de recoupement et d’orientation des signalements] du ministère de l’Intérieur […] pour déréférencer un certain nombre de contenus de propagande terroriste. »
L’objectif de ces actions était alors d’empêcher Daesh de recruter de nouveaux combattants, voire d’inciter ses sympathisants à commettre des attaques en France. Cela étant, ces derniers mois, une autre forme de propagande, inspirée propablement par des puissances étrangères, vise certaines opérations extérieures menées par les forces françaises.
Ainsi, au Sahel, sur les réseaux sociaux, ces dernières ont été la cible de campagnes de fausses informations [infox ou « fake news »] destinées à saper leur crédibilité. Même chose en Centrafrique, où les actions de la France ont été régulièrement dénigrée pour mieux mettre en avant celles de la Russie.
En octobre 2019, Facebook a d’ailleurs annoncé avoir déjoué une vase campagne de désinformation visant notamment l’Afrique. Et d’expliquer : « Les contenus, qui étaient adaptés à chaque pays, se concentraient sur des informations internationales et locales, y compris des thèmes comme la politique de Moscou sur le continent africain, mais aussi les élections à Madagascar et au Mozambique ou encore des critiques de la politique des Etats-Unis et de la France dans la région. »
Il est très difficile de contrer ces campagnes de propagande, d’autant plus que ces dernières deviennent rapidement virales. Qui plus est, leurs auteurs s’arrangent pour brouiller les pistes, en ayant recours à des sous-traitants usant la langue maternelle des pays visés.
Cela étant, dans ce domaine, déjouer les actions relevant de la propagande adverse suppose de mener des opérations dites d’influence [OMI – opérations militaires d’influence], lesquelles ont été conceptualisées dans le DIA – 3.10.1 publié en mars 2008 par le Centre interarmées de concepts, de doctrines et d’expérimentations [CICDE]. « Dans un monde globalisé où l’information est un moyen d’action privilégié de toute gestion de crise, la crédibilité des forces s’acquiert et se maintient aussi grâce à leur aptitude à agir au plus tôt, au bon niveau, dans un vaste domaine psychologique, tout en interdisant, sinon limitant cette possibilité à l’adversaire. Le champ de l’information et de ses effets est aujourd’hui devenu un espace de combat » souligne en effet ce texte.
Mais, cette doctrine a visiblement atteint ses limites et ne suffit plus… Aussi, une autre, appelée « Lutte informationnelle dans le cyberespace », est en cours d’élaboration. Le chef d’état-major des armées [CEMA], le général François Lecointre, l’a évoquée dans un entretien donné au quotidien Le Monde [édition du 14 juillet].
« Nous travaillons sur une doctrine pour mettre en cohérence tous nos outils, entre la Direction du renseignement militaire, le centre des actions sur l’environnement de Lyon, le commandement cyber, etc », a confié le CEMA. Et cela, a-t-il précisé, avec « l’objectif de lutter contre les tentatives de déstabilisation de l’information sur notre espace. »
Cette doctrine sur la lutte informationnelle prolongera ainsi celles définies en 2019 au sujet de la Lutte informatique défensive [LID] et de la Lutte informatique offensive [LIO].
« Nous assumons d’utiliser des armes cyber comme des armes du champ de bataille sur nos théâtres d’opérations, pour attaquer des réseaux de combat ennemis comme des centres de propagande », a expliqué le général Lecointre. « Les armées mènent la guerre informationnelle sur les théâtres extérieurs. Elles ne font pas de contre-propagande auprès de l’opinion publique française », a assuré le général Lecointre.