Crise en Ukraine. Rencontre Poutine-Macron : ce qu’ils se sont dit
Les efforts diplomatiques des Occidentaux pour éviter qu’un conflit n’éclate en Ukraine ont mené Emmanuel Macron sur les terres de Vladimir Poutine. Les deux présidents ont échangé durant plusieurs heures, avant de se livrer à un résumé médiatique fait de promesses floues.
La crise ukrainienne est loin d’être réglée, mais la rencontre, lundi soir à Moscou, entre Vladimir Poutine et Emmanuel Macron a entretenu l’espoir d’une solution à court terme.
Le dialogue entre les deux chefs de l’État a permis d’avancer « un certain nombre d’idées et propositions […] comme base pour de futures avancées », selon la déclaration du président russe, tandis que son homologue français espérait un apaisement dans « les prochains jours » sur la base « des discussions nourries que nous allons mener ensemble ».
Mais derrière ces déclarations d’intention, aucune garantie n’a été donnée par l’homme fort du Kremlin. Ses troupes restent stationnées à la frontière ukrainienne, prêtes à fondre sur Kiev. Un scénario qu’Emmanuel Macron, au nom de l’union Européenne et de l’OTAN, a tenté d’éviter.
La position d’Emmanuel Macron
Premier dirigeant occidental de premier plan à avoir rencontré Vladimir Poutine depuis l’aggravation des tensions en décembre, le président de la République n’a pas cherché à affronter et menacer son homologue russe.
Emmanuel Macron a privilégié la voie du dialogue, présentant, selon la délégation, un « éventail de proposition ».
Celui-ci se résume à un engagement simple de la part des différents acteurs : ne pas prendre de nouvelles initiatives militaires ; ainsi que l’amorce d’un dialogue notamment sur le dispositif militaire russe ou encore des négociations de paix sur le conflit en Ukraine et le début d’un dialogue stratégique.
Emmanuel Macron estime ainsi avoir proposé à Vladimir Poutine de « bâtir des garanties concrètes de sécurité » pour tous les États. « Le président Poutine m’a assuré de sa disponibilité à s’engager dans cette logique et de sa volonté de maintenir la stabilité et l’intégrité territoriale de l’Ukraine », a précisé le président français lors de la conférence de presse commune, avant d’évoquer des « termes de convergence » entre la Russie et la France.
Une annonce toutefois dénuée de précisions, mais suivie d’un récapitulatif des objectifs de sa visite à Moscou : « La stabilité militaire à court terme, que le dialogue qui a été noué entre Russie, États-Unis, Européens se poursuive pour bâtir des solutions avec l’objectif de la sécurité de tous ». Et d’ajouter pour apaiser son interlocuteur : « Il n’y a pas de sécurité pour les Européens s’il n’y a pas de sécurité pour la Russie ».
Emmanuel Macron a tout de même précisé que les Européens ont « les mêmes craintes » de sécurité que celles mentionnées par la Russie. Et « le sentiment que des accords ont été violés » avec le déploiement de troupes russes. « Il faut rebâtir ces solutions concrètes ensemble, car nous vivons de part et d’autre de frontières communes ».
Le président français a promis d’« intensifier les contacts » avec l’ensemble de ses partenaires pour « bâtir des solutions nouvelles ».
« Nous avons esquissé quelques pistes dans notre tête-à-tête », a-t-il poursuivi. « Nous nous reparlerons dans quelques jours » et « je suis sûr que nous arriverons à un résultat. Il n’est pas aisé mais j’en suis sûr », a-t-il conclu.
La conférence de presse a cependant mis en relief des divergences profondes entre les deux hommes, illustrées par un ton tendu en fin de session. « Qui croit à l’Europe doit savoir travailler avec la Russie. Est-ce chose aisée ? Non. Est-ce qu’il y a une part d’ingratitude ? Oui. Est-ce qu’il convient de l’abandonner ? Non […] Nous avons des désaccords, nous les assumons », a plaidé Emmanuel Macron.
« L’Ukraine est un pays aux frontières autour desquelles il y a 125 000 soldats russes. Ça rend nerveux », a-t-il ajouté, « Nous sommes à un niveau d’incandescence que l’Europe a rarement connu […] Nous allons essayer d’enclencher un processus nouveau ».
La présidence française a assuré après la conférence de presse que les deux dirigeants avaient eu plusieurs points d’accord… qu’ils n’ont pas évoqués.
Moscou a notamment accepté, selon Paris, de retirer ses soldats au terme des manœuvres Zapad au Bélarus.
Ce mardi, Emmanuel Macron se rend à Kiev pour rencontrer Volodymyr Zelensky, puis il se déplacera à Berlin pour y faire le point en compagnie du chancelier Olaf Scholz. Ce dernier rentrera tout juste de Washington et sera à son tour les 14 et 15 février à Moscou et Kiev.
La réponse de Vladimir Poutine
L’homme fort du Kremlin s’est montré conciliant avec Emmanuel Macron, mais sans offrir la moindre garantie de non-agression de l’Ukraine. Vladimir Poutine n’a pas dévié de son discours habituel : son voisin est responsable de l’escalade en raison de ses provocations. « Kiev rejette toujours toutes les opportunités d’un rétablissement pacifique de son intégrité territoriale », a-t-il regretté.
Le président russe a dénoncé le refus occidental de lui céder sur la fin de la politique d’élargissement de l’Otan et le retrait de ses moyens militaires d’Europe de l’Est, tout en niant menacer l’Ukraine. « Dire que la Russie se comporte de manière agressive est illogique », a-t-il dit, « ce n’est pas nous qui nous dirigeons vers les frontières de l’Otan ».
Et de poursuivre en critiquant le rôle de l’Organisation : « On essaye de nous calmer avec des assurances comme quoi l’Otan est une organisation pacifique et de défense », avant de citer « l’Irak, la Libye, Belgrade » en contre-exemples.
« Nous ferons tout pour trouver des compromis qui pourront satisfaire tout le monde », a cependant tenté de rassurer le maître du Kremlin, assurant que ni lui ni M. Macron ne veulent d’une guerre Russie-Otan qui « n’aurait pas de vainqueur ».
Vladimir Poutine s’est également dit prêt à se pencher sur les propositions du président français Emmanuel Macron pour désamorcer la crise autour de l’Ukraine. « Certaines des idées » du président français pourraient « jeter les bases d’avancées communes », a-t-il indiqué avant de le remercier à plusieurs reprises.
Il n’a en revanche dit mot de ses projets concernant les dizaines de milliers de soldats russes campant toujours aux frontières de l’Ukraine et qui laissent craindre une invasion. Poutine s’est même permis une boutade à l’adresse du président ukrainien, qui s’est montré critique à l’égard d’éléments du plan de paix négocié en 2015 entre Kiev et Moscou via une médiation franco-allemande. « Que ça te plaise ou non, ma jolie, faudra supporter ».
À l’issue de leur conférence de presse commune, Vladimir Poutine a conclu qu’il reparlerait au chef de l’État français après son déplacement mardi à Kiev où il verra son homologue Volodymyr Zelensky pour discuter des mêmes sujets.
Source : Ouest-France, Stéphane CUGNIER avec AFP / Photo : AFP
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